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Paris confiné...

02/05/2020

Slobozia

…ou presque. Ce que d’aucuns qualifièrent de lampadaire véritablement tragique durant son érection éclipse aujourd’hui les autres travaux du pourtant prolixe Gustave Eiffel. Et inspire un peu partout copies et hommages, bien loin du Champ de Mars.

La photo ci-dessus montre une réplique de la tour au sixième située à Slobozia, à une centaine de kilomètres à l’est de Bucarest. Elle a été construite il y a un quart de siècle, par un de ceux qui furent surnommés milliardaires de carton au lendemain de la révolution roumaine de décembre 1989, Ilie Alexandru. L’homme d’affaires, ancien boxeur, la fit ériger dans le complexe touristique Hermes, du nom de son conglomérat d’import-export, de fabrication de téléviseurs et de production d’huile, entre autres. Grand amateur de chevaux et de séries américaines (lesquelles ne circulaient en Roumanie que sous le manteau avant 1989), il avait également installé sur le site un haras et une copie de Southfork, le ranch de Dallas. La démesure ne vaut que si elle est débridée.

Il existe sur les territoires de la Roumanie et de la Moldavie actuelles plusieurs localités portant ce nom de Slobozia:

Slobozia

Le terme est emprunté aux langues slaves, et désigne typiquement un village de colons dispensé de tout ou partie des impôts féodaux en vigueur (ce qui correspond au Villefranche français). Le Slobozia en question (cercle jaune le plus large sur la carte) est le chef-lieu actuel du județ de Ialomița, et sa situation géographique, au fond de la plaine du Bărăgan, en faisait historiquement une cible de choix pour les envahisseurs tatars et ottomans. Les princes valaques qui régnaient alors sur la région décidèrent, sans cynisme aucun, d’encourager les paysans à s’installer grâce à des exonérations fiscales, et le nom est resté.

Tel un lointain écho à ces privilèges, Ilie Alexandru fut la première personne à recevoir de la municipalité l’autorisation d'y lancer une entreprise privée, après la chute du régime communiste. Il bénéficia en outre de prêts à des conditions étonnamment avantageuses de la part de banques d'Etat. Le pied mis à l'étrier, il connut un succès certain dans les affaires, avec l’ostentation évoquée plus haut, mais fut rattrapé par la justice pour fraude et évasion fiscale. Il fit ainsi deux séjours derrière les barreaux entre 1997 et 2009, et mourut un an après sa libération pour bonne conduite.

Le parc Hermes reste en activité, avec cependant un lustre moindre qu’antan.

Sources: